Connaissez-vous le mouvement Movember ? Savez-vous pourquoi certains hommes au mois de novembre se laissent pousser la moustache ?
Au départ, Movember est un projet australien créé par quelques amis qui cherchent à contrer le fléau des décès prématurés chez les hommes. En effet, en 2016, l’espérance de vie moyenne des hommes est de 69,8 ans alors qu’elle est de 74,2 ans chez les femmes.
Pour essayer de combler ce différentiel, la fondation Movember collecte des dons finançant des projets de recherche pour la santé masculine (contre le cancer de la prostate ou des testicules par exemple). De surcroît, de nombreuses personnes dans le monde se laissent pousser la moustache en guise de soutien au mouvement.
Le projet prend rapidement de l’ampleur et en 2017, la Fondation a permis de financer 1250 projets dans le domaine de la santé masculine . Movember commence également à aborder les problématiques de santé mentale chez les hommes comme les causes de suicide, les stéréotypes sexuels, la pression de la virilité…
Mais pourquoi la santé mentale masculine est un sujet qui doit être mis en avant ?
Parce que les chiffres sont tout simplement alarmants… Bien que les tentatives soient supérieures chez les femmes, les hommes se suicident deux fois plus que les femmes dans le monde selon l’OMS. En France, 75 % des morts par suicide sont des hommes selon un rapport de l’Observatoire national du suicide de février 2016.
Ces statistiques très préoccupantes sont causées notamment par certains préjugés liés au genre masculin, par une représentation erronée des hommes et de leur virilité.
En effet, les stéréotypes masculins nous poussent à ne pas révéler nos émotions comme notre peur ou notre tristesse mais également nos difficultés psychologiques voire nos maladies. Il ne faut surtout pas se montrer vulnérable. Cela ne répondrait pas aux standards faussés du “bon père de famille”. De plus, parler de son intimité, consulter un psychologue, faire de l’introspection est encore trop perçu dans notre société comme quelque chose de féminin.
Cependant ces stéréotypes tuent…
Si le taux de suicide est si élevé chez les Hommes, c’est en parti dû au fait que les hommes ont du mal à exprimer leurs difficultés psychologiques et ne consultent pas de spécialistes (ou trop tard).
Ces chiffres sont également corrélés avec les problèmes d’addiction. Comme l’explique très bien Jean-Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, “les hommes représentent 75 % de suicides et 75% des problèmes d’addiction”*.
Au lieu de parler de certaines difficultés psychologiques et de consulter, de trop nombreux hommes préfèrent se réfugier dans l’alcool ou la drogue qui vont amplifier les symptômes à terme et créer une addiction en plus du trouble initial.
Mais que faire pour changer cette vision de la société et convaincre les hommes à enfin se confier sur leurs troubles ?
Il faut en parler. Il faut introduire le sujet dans le débat public. Certaines célébrités courageuses ont commencé à témoigner.
Tout d’abord dans le monde de la pop culture. On se souvient tous de Stromae abordant le sujet de la dépression dans le journal de 20 heures sur TF1.
Connaissez-vous également le célèbre discours d’Emmanuel Faber à HEC sur la lourde schizophrénie de son frère ?
Mais que dire du monde du sport où la parole commence seulement à se libérer ? Comment parler de difficultés psychologiques quand les cultes de la performance, de la virilité et de la protéine sont à leur paroxysme ?
Les témoignages de certains athlètes, féminins comme masculins (Naomi Osaka, Camille Lacourt ou Michael Phelps) sont essentiels.
Cependant la prévention, la sensibilisation et la déstigmatisation sur ces sujets dès le plus jeune âge font partie des clés du succès.
* Affleck, Can J Psychiatry, 2018
Article Validé par Solene Demery, psychologue clinicienne.